J’ai beau passer beaucoup de temps devant mon ordinateur, à essayer de dompter mes nouvelles connaissances numériques, il m’arrive aussi, heureusement pour ma santé mentale, de sortir de mon antre de solitaire. Cela dit, ça demeure la plupart du temps dans le domaine culturel: on ne se refait pas!
Ainsi en février, j’ai fréquenté (en personne ou à distance) plusieurs activités du Mois Multi, un festival d’arts multidisciplinaires et électroniques tenu à Québec. Arts visuels, littérature, musique, arts de la scène, vidéo et autres formes d’expression technologiques s’hybrident avec fluidité ou provocation, à l’image de notre époque où les frontières entre les genres se font de plus en plus poreuses.
Pour le commun des mortels, c’est un dépaysement assuré! Pour ceux qui côtoient davantage le milieu de l’art actuel, ça demeure quand même un stimulant concentré d’idées en ébullition. On peut être charmé, déconcerté ou déçu par ces univers débridés, mais certainement pas indifférent.
Destiné à un public encore plus pointu, le volet Pro réunit des artistes chercheurs et des professionnels du milieu artistique, sous forme de tables-rondes et de microconférences. C’est là que j’ai entendu cette citation (géniale!) de Catherine Béchard, du duo québécois Béchard-Hudon: «[Il se trouve que] les oreilles n’ont pas de paupières», tirée de l’essai La haine de la musique de Pascal Quignard (celui-là même qui a écrit Tous les matins du monde).
J’en suis restée bouche bée (…ou oreilles béantes???).
Les oreilles n’ont pas de paupières. Donc, elles ne peuvent pas d’elles-mêmes se couper du monde sonore, alors que les yeux, eux, grâce à leurs plaques de peau mobiles, ont la possibilité de bloquer la lumière.
Moi qui ai le manque d’écoute dans la mire, je me suis comme retrouvée de l’autre côté du miroir… Comment peut-on échapper aux sons et aux voix, ne serait-ce que momentanément?
Mon imagination ainsi titillée s’est mise à concevoir des «paupières» à oreilles, au propre mais aussi… au figuré!
J’ai donc délaissé temporairement mes expérimentations vidéos sur des images de la nature pour m’amuser, je l’avoue, à créer de (très) courtes animations réunies sous le titre Et si les oreilles avaient des paupières?.
Vous remarquerez sûrement certains bruitages disons… inusités. D’ailleurs, je me suis demandé pourquoi j’y tenais tant! Et je crois bien que ça me vient de ma (trop?) grande consommation de dessins animées, enfant, tout particulièrement pendant cette année où ma famille a demeuré à Edmunston, au Nouveau-Brunswick. Étant à la frontière du Maine, nous avions accès aux chaînes télé américaines diffusant quasiment en continu des comics, dont ceux du duo Hanna-Barbera. Souvenirs, souvenirs! Je ne comprenais pas l’anglais, mais je n’étais pas sourde! Que cette mémoire auditive refasse surface me surprend beaucoup.
Alors, voici donc ma plus récente vidéo d’animation, avec une finale où une stratégie d’évitement, comme parler plus fort pour enterrer les autres, n’est pas la plus gagnante, et je lui accorde une sortie, disons, définitive…
Ne clignez pas des yeux (...ni des oreilles) car ça va assez vite: moins de deux minutes! Ah, et j'oubliais: ça se veut rigolo...
Réalité virtuelle
Si l’animation m’anime (!), je suis encore plus envoûtée par la réalité virtuelle et j’ai été comblée lors de ma visite de l’exposition de Marie-Ève Levasseur au centre d’artistes La Chambre Blanche, une activité satellite du Mois Multi. Artiste pluridisciplinaire de Montréal, Levasseur proposait une oeuvre centrale où le visiteur, harnaché de senseurs aux chevilles et à la taille, avec manettes à la main en plus d’un casque assez lourd, se retrouvait plongé dans un fond marin aux plantes fluctuantes, avec des feuilles-poissons zigzaguant dans un paysage de science-fiction. Magique!
Voici une vidéo (cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder à la page de l'artiste) que j’ai trouvée sur son site web qui donne un tout petit aperçu du genre de métavers que j’ai expérimenté.
Boulimie technologique
Ces dernières semaines, j’ai poursuivi mon apprentissage de fourmi laborieuse avec le logiciel Final Cut Pro. J’ai complété un autre cours payant (j’en ai un troisième en attente…), cette fois sur la plateforme Skillshare, et visionné bien des tutoriels sur YouTube. Chacun y va de sa petite astuce, tandis que des compagnies (je ne les croyais pas si nombreuses!) se spécialisent dans la création de «plugins» (payants ou gratuits). Ceux-ci sont en quelque sorte des extensions pour un logiciel donné permettant de réaliser certaines tâches plus facilement, comme les titres ou les transitions entre les plans, avec des effets souvent spectaculaires, qui plaisent tout particulièrement aux youtubeurs ou aux monteurs de clips musicaux.
Mais je crois (est-ce grave, docteur?) que je suis devenue une boulimique de technologie, car je viens de succomber, alors qu’il me semble que j’en ai déjà assez à «digérer», à une app conçue expressément pour le iPad et au potentiel artistique incroyable: Procreate. Deux amies artistes m’en avait déjà mentionné l’existence, mais je n’avais pas porté attention. Dessiner sur une plaque de verre (la vitre de la tablette) ne m’avait pas vraiment séduite.
Sauf que je ne savais pas à quel point ce logiciel s’était développé en quelques années, au point de désormais permettre de faire de… l’animation! Toute simple, mais c’est justement ce que je recherche. Déjà, juste le fait de pouvoir visionner (en accéléré) ce que l'on dessine me fascine. La petite vidéo ci-contre est issue de deux expérimentations bien rapides de divers pinceaux de Procreate.
Que je rassure tout de suite les purs et durs des outils traditionnels que sont le crayon, le pastel, l'encre, la peinture, etc. Ils ont encore leur raison d'être et leurs particularités bien sensorielles. Toutefois, j'avoue avoir trouvé jouissif d'estomper du fusain numérique sans me retrouver le bout des doigts maculés de poudre noire!
Procreate est une «découverte» récente pour moi et j’en suis encore aux balbutiements. Mais ça promet, croyez-moi.
Marie Delagrave
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