top of page
Photo du rédacteurMarie Delagrave

Macédoine culturelle



Les trois derniers mois se sont écoulés avec lenteur et rapidité. Je m’explique: plus que repue par l’intensité de mon automne d’apprentissages, j’ai laissé reposer tout ça à feu doux. Mais toujours avide d’en savoir plus (hé!), je me suis lancée à la découverte du logiciel Blender, car la photogrammétrie (un des sujets de mon précédent billet) m’avait permis d’en avoir un aperçu qui m’avait intriguée. Et me voilà plusieurs semaines plus tard, ébahie d’en être encore (trop) aux balbutiements de ce puissant - et complexe - outil de création. Évidemment, c’est mon impatience qui parle ici!


Blender permet de faire vraiment plein de choses. Mais celles qui m’intéressent le plus sont:

• la modélisation d’objets numériques en trois dimensions auxquels on peut associer des textures, des matières et, encore mieux à mes yeux: des images photographiques, dessins, peintures de notre cru;

• de la sculpture de type modelage;

• de l’animation (avec mouvements de caméra et divers éclairages) que l’on peut transposer en vidéo.


Si je tape les mots «Blender tutoriels» dans le moteur de recherche Google, j’obtiens plus de 60 millions de résultats. C’est vous dire l’abondance de l’offre! Il faut savoir que Blender (qui est gratuit car il s’agit d’un logiciel dit libre) intéresse tant les amateurs que les artistes de tout acabit ainsi que les petits et grands studios pour des projets commerciaux (architecture, design d’intérieur, jeux vidéo, publicités, films long métrage et j’en oublie). Alors, y trouver les formations adaptées à nos besoins bien spécifiques, déjà, relève d’une méchante galère.


Que d’heures j’ai passées à visionner des tutoriels (la plupart en anglais) qui ne répondaient qu’en toute petite partie à mes besoins! Mais bon. Progressivement, j’engrange mes connaissances dans un document référence. Mais il faut pratiquer aussi.


Je suis récemment parvenue à modéliser ma première oreille. (Hé oui! Je n’ai pas encore épuisé cette thématique.) C’est encore embryonnaire comme projet, mais j’aimerais en créer plusieurs (différentes), dotées de motifs texturés, et qui en plus, bougeraient comme… des méduses (!). Alors, je n’ai pas fini d’apprendre comment y parvenir, loin de là.


Comme passer des heures d’affilée à absorber de la nouvelle matière intellectuelle me sature aisément (ou dit plus simplement: lorsque la vapeur me sort par les oreilles - oui, encore elles!), j’ai intercalé d’autres tâches dans mes journées. Comme soumettre ma candidature pour exposer ou effectuer une résidence. J’ai déjà parlé dans mon billet Un été fertile (1) de la lourdeur du processus dans la préparation du dossier et du tout petit, bien petit nombre d’«élus».


Que je précise: je ne cherche pas des bourses de subsistance, mais plutôt de développement de connaissances, d’expériences et de contacts.

Chaos (ci-dessus) et Gestation (ci-bas), montages numériques à partir de photogrammes, 2024,
avec un petit clin d'oeil de quoi ils auraient l'air une fois imprimés

C'est pourquoi depuis novembre, j’ai répondu à sept appels de dossiers et n’ai reçu que trois réponses, toutes négatives. D’ici la mi-juin, j’entends persévérer pour quatre autres soumissions. À chaque fois (pour moi du moins), c’est me remettre en question, revoir mon approche, ma sélection d’images. D’ailleurs, à ce sujet, j’en ai réalisé deux (Chaos et Gestation) expressément pour une demande d'exposition, à partir de photogrammes réalisés à l’automne et que j’ai retravaillés. J’aimerais bien un jour les imprimer en grand format (comme plusieurs autres, d’ailleurs; mais où les entreposer?). Qui sait? Un jour, je créerai ma propre galerie virtuelle (avec Blender???), où vous pourrez entrer et déambuler à partir de votre tablette ou ordinateur…!


Au cinéma et au Mois Multi


Mon hiver a aussi été riche en activités (surtout) culturelles… question de me changer les idées!!!


Au cinéma, j’ai vu Anselm — Le bruit du temps, un documentaire réalisé par Wim Wenders sur le peintre et sculpteur allemand de réputation internationale Anselm Kiefer. Ça m’a pas mal soufflée. Cet artiste contemporain est… grandiose. Son propos, dérangeant (l’Allemagne et son passé nazi; la destruction, la fureur humaine), demeure d’une criante actualité. Je serais bien curieuse de visiter un jour La Ribaute, son ancien atelier-résidence de Barjac dans le Gard, en France, un vaste domaine transformé grâce à une fondation en lieu d'exposition...


L’hiver culturel à Québec est aussi propice aux événements regroupant une pléthore d’activités.


Le Mois Multi («multi» pour multidisciplinaire) propose des expositions, des spectacles de même qu’un «congrès», le volet Pro, auquel j’assiste depuis trois ans. Ça me fascine toujours de voir la variété des approches et la longue feuille de route des intervenants (tant du Québec que d’ailleurs), ce qui me permet de côtoyer des façons de vivre et de diffuser la création très (très!) différentes de la mienne.



J’ai été séduite par la projection vidéo Surfaces fuyantes de François Quévillon, qui occupait tout un large mur d’une salle du Musée de la civilisation. Cette oeuvre énigmatique, soutenue par une trame sonore tout aussi intrigante, évoquait une nature en transformation dont l’issue n’était pas (volontairement) si claire.


Josiane Roberge présentait à la bibliothèque Aliette-Marchand des portraits photographiques (dotés parfois d’effets vidéo) caractérisés par l’espace vertical au-dessus de la tête de ses sujets, un espace laissant place à leur intériorité. C’était très poétique et aussi très mature pour une aussi jeune artiste.



Au studio Avatar, dans une pièce plongée dans la pénombre, Claudie Gagnon, depuis longtemps spécialiste d’installations fabuleuses, a préparé tout un banquet, Ainsi passe la gloire du monde. Cette nature morte grandeur nature, inspirée de la peinture flamande du XVIIe siècle, était composée de vrais aliments, dont… des truites (que j’ai osé toucher, question de m’assurer de leur authenticité!!!). Mais on y trouvait également des incongruités, comme des roses, fanées, cigarettes au bec (!), tandis qu’à l’inauguration, un comédien avachi sur une table-lit lisait tranquillement, tout en croquant (bien bruyamment) des croustilles dans un micro…


Petit tour à la biennale de Manif d'art


La biennale de Manif d’art, pour sa part encore en cours, offre un vaste éventail d’oeuvres d’art, «abritées» dans des lieux d’exposition ou encore ici et là en plein air, celles-là bien sûr conçues pour résister aux intempéries hivernales. Je n’ai pas tout vu, loin de là. Car oui: il m’arrive d’être saturée!


Si le ravissement n’a pas été tellement au rendez-vous - il y a des journées comme ça -, je reconnais par contre qu’au sein de l’exposition centrale, c’est une oeuvre (datant quand même de 2012) du Français Xavier Le Roy qui m’a le plus touchée. Il fallait entrer dans une pièce très sombre, sans savoir ce que j’allais y trouver. Heureusement qu’un membre du personnel de la biennale était présent pour me guider, sinon, trouillarde, j’aurais tourné les talons! J’ai fini par discerner au sol comme deux corps emmaillotés, qui bougeaient lentement. Je n’ai même pas su s’il s’agissait d’un mécanisme ou d’êtres vivants. Mais chose certaine, ça m’a rappelée ma peur d’enfant de la noirceur, des monstres sous le lit. Troublant!


Toujours à l’occasion de la biennale, une autre expérience déstabilisante est offerte à la Chambre Blanche jusqu’à la fin avril 2024. Jannick Deslauriers a réalisé une installation un peu labyrinthique, faite de polyester ou de tulle cousus, évoquant à la fois un appartement, un hôpital ou un lieu d’internement/d’enfermement, abandonnés. Tout y est fragile, vulnérable, suspendu (littéralement) et aussi: ambiguë. Du beau travail.


Parenté d'intérêts et déception



Parallèlement à la biennale, j’ai visité la galerie Chiguer, où j’ai été conquise par les oeuvres d’Éveline Boulva, peintes à l’aquarelle et la gouache à l’aide de pochoirs découpés au laser. Elle reproduit des scènes de nuages, de vagues ou encore de glaces à la dérive, en fines lignes horizontales. C’est d’une minutie! Ça m’a plu d’autant que, la semaine précédente, j’avais justement filmé les abords mouvants - et géométriques - du Saint-Laurent… Il n’est pas inusité de retrouver des parentés d’intérêts chez les artistes. Il ne faut pas s’en désoler, y voyant un manque d’originalité, mais plutôt y discerner la richesse des visions et des nuances apportées par chacun.


J’ai été surprise, au Musée des beaux-arts du Québec, par la présentation (jusqu’au 12 mai 2024) de Générations — La famille Sobey et l’art canadien, une exposition que j’avais vue à l’été 2022 à St. John’s (Terre-Neuve), au musée The Rooms. J’en avais d’ailleurs parlé avec enthousiasme dans mon billet Terre-Neuve, terre d’art (2), regrettant qu’elle ne s’arrête pas à Québec, alors qu’elle allait passer par Edmonton, Charlottetown et Halifax. Et puis la voilà.


J’étais bien curieuse de la revoir, sachant que chaque institution y apporte, par sa scénographie, sa propre mise en valeur. Hé bien! Je n’ai pas vécu le même enchantement. Question d’éclairage je crois (trop intense?), de disposition, de présentation (les mots identifiant les sections/regroupements, en grosses lettres, m’ont déplu). Aussi, je dois admettre que l’inédit des confrontations n’était plus au rendez-vous pour moi.

D’autre part, j’ai eu l’impression qu’il y avait des oeuvres qu’il me semblait n’avoir jamais vues (étais-je passée trop vite?). J’ai posé la question à un guide, qui m’a rassurée sur l’état de ma mémoire (ouf!) en m’expliquant que l’exposition à Québec n’était pas exactement la même que celle de St. John's, car certaines pièces, selon des critères de conservation qui leur sont propres, avaient eu leur quota de transport ou de présentation publique et avaient été remplacées par d’autres, tirées de la même collection privée. Ah bon!


Cela étant dit, cette exposition, de par l'envergure de son éventail stylistique au sein de l'art canadien, mérite amplement d’être vue.


Et du côté de Montréal...



Comme si tout ce qui précède n’était pas suffisant: je suis aussi allée à Montréal voir des expositions et vivre des expériences de réalité virtuelle ou immersive. Mon prétexte principal: la juxtaposition des oeuvres de Georgia O’Keefe (peintures) et de Henry Moore (sculptures) au Musée des beaux-arts de Montréal, tenue jusqu’au 2 juin 2024. Ces deux grands noms de l’histoire de l’art moderne se sont inspirés de la nature et collectionnaient des ossements, des coquillages et des pierres. Comme j’aime le faire! J’ai donc ressenti une certaine connivence avec leur approche, bien que (rassurez-vous) je ne me compare pas à leur génie… Je n’ai pas été déçue par cette mise en parallèle démontrant les affinités de leur vocabulaire formel de même que le «désordre» de leur atelier respectifs, reconstitués pour l’occasion.


Par contre, j’ai vraiment jubilé en expérimentant L’horizon de Khéops — Un voyage en Égypte ancienne (en cours jusqu’au 31 mai 2024), une conception de la société française Emissive présentée au Vieux-Port de Montréal. C’est que, grâce à un casque de réalité virtuelle, on entre dans la pyramide de Gizeh! C’est très fascinant, jusqu’à donner le vertige, car nous sommes souvent élevés comme si nous étions sur une plateforme. Et j’ai adoré Bastet, le chat-divinité qui nous a servi de guide… Voici une vidéo réalisée pour la tenue de l’événement à Lyon en 2023.



Mais mon coup de coeur a été l’expérience immersive Rêver l’Asie, consacrée au patrimoine culturel de la Chine et du Japon. J’ai trouvé ça fabuleux, d’autant plus que je n’avais pas tellement d’attentes car ce genre d’immersion à la Van Gogh ou Monet ne m’avait jusqu’à maintenant pas vraiment transcendée. Mais là, j’ai été éblouie par ce qu’ont concocté la compagnie montréalaise Oasis Immersion et le studio français Danny Rose. Réparties en trois salles, les projections en boucle sur les murs et aussi le plancher durent respectivement 20, 20 et 40 minutes. On peut s’assoir ou déambuler à notre guise pour contempler ces peintures et gravures anciennes (dont la renommée Grande Vague de Hokusai, animée pour l’occasion) et découvrir les fameuses marionnettes Pi Ying qui, devenues très fragiles, sont désormais inscrites sur la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco.


Et dans mes temps libres (!), j’ai lu aussi: Clear Thinking de Shane Parrish et Ça aurait pu être un film de Martine Delvaux. Je vous en parlerai peut-être une autre fois. Là, je dois retourner à ma pratique de Blender!


Marie Delagrave


 


Commentaires


Les commentaires ont été désactivés.
bottom of page